Christophe Girard (1956)

PARISMARAIS.COM a rencontré Christophe GIRARD, le Maire créatif et visionnaire du 4ème arrondissement de Paris. Enquête Maud Prangey. Réalisation Alexandre Gelbert.


Christophe Girard - © Michel Restany

Ancien Adjoint chargé de la culture auprès de l'ancien Maire de Paris, Bertrand Delanoë, Christophe Girard fut initiateur du renouveau de la culture à Paris en créant de grands évènements tel que Nuit Blanche entre autres succès.

Christophe Girard a été élu maire du 4ème arrondissement en juillet 2012 puis réélu aux élections municipales de mars 2014. Il nous reçoit très chaleureusement dans son bureau baigné de lumière, aux murs joliment ornés de photos et de dessins, objets d'art contemporain et africain qui se partagent l'espace avec un mobilier discret. C'est une pièce accueillante décorée avec goût, on s'y sent tout de suite détendu.
Nous commençons par évoquer l'action culturelle qu'il a menée en tant qu'adjoint à la culture à la Mairie de Paris sous le mandat du maire précédent, Bertrand Delanoë, en nous arrêtant plus particulièrement sur la Gaité Lyrique situé dans le Marais. Ensemble, ils ont lancé cet endroit devenu dès son ouverture une référence en matière de « branchitude ».

Christophe Girard :
La réhabilitation de ce lieu tenait à cœur à Bertrand Delanoë. Dans les années 1980-90,  ce théâtre a été cassé pour en faire une Planète magique , un parc d'attraction, très en vogue à l'époque avec Disneyland etc. Le théâtre a été massacré à grands frais, cela a été un flop absolu, Planète magique est restée ouverte à peine dix jours. Heureusement le bâtiment a été conservé mais pas entretenu.
Il y avait deux projets, le premier porté par Jean Tiberi le maire de l'époque, qui souhaitait en faire un théâtre rénové avec une salle de concert. Le second projet était celui de Bertrand Delanoë qui se projetait plus dans le futur avec l'arrivée du numérique dans beaucoup de domaines notamment la communication, l'économie et la création. Il voulait en faire le premier lieu dédié au numérique à Paris.
Bertrand Delanoë, avec la complicité de son Adjoint à la culture que j'étais, a mis sur les rails cette Gaité Lyrique revisitée, ressuscitée, dans le centre de Paris ! Manuelle Gautrand a été choisie comme architecte, elle en a fait un très beau lieu avec son équipe.

Il peut en être fier car aujourd'hui cet endroit est devenu un lieu branché incontournable : expositions, performances, concerts, colloques, défilés, la Gaité Lyrique a rapidement trouvé sa place à Paris et elle ne désemplit pas. Un rappeur assez connu m'a confié il y a peu que c'était the place to be. Tous les groupes veulent s'y produire la qualité du son y étant exceptionnelle.

Christophe Girard :
Aujourd'hui Anne Hidalgo et Bruno Julliard son premier Adjoint chargé de la culture réfléchissent à un nouvel élan pour la Gaité Lyrique. Ils souhaitent que la fréquentation et peut être une partie de son orientation, soient revues mais d'une manière que je trouve constructive. Il faut se méfier de ces lieux à la mode, car les modes ne durent pas, et le numérique lui même est en constante évolution, il se réinvente sans cesse.

La Gaité a été adoptée facilement par les riverains car ils ne souffrent pas de nuisances. De cela, il peut être fier car le quartier du Marais est contraint en architecture et espace, les rues et les endroits publics sont petits et étroits, Christophe Girard se bat contre les nuisances sonores mais aussi contre les voitures de grande taille qui n'ont pas leur place dans le quartier. De plus en plus visité, le Marais recense vingt millions de visiteurs par an avec Notre Dame, qui à elle seule cumule 10 millions de visiteurs, l'île Saint Louis, le Centre Pompidou et la place des Vosges parmi les sites les plus visités du 4ème arrondissement ! Un chiffre colossal qui ne cessera d'augmenter dans les années à venir. Comment arriver à conjuguer la vie quotidienne du quartier et ses habitants, avec les personnes qui viennent y travailler et des visiteurs toujours plus nombreux ?

Christophe Girard :
Je suis un maire de jour comme de nuit. De jour avec ceux qui viennent travailler et de nuit pour ceux qui rentrent chez eux dormir. Cela représente 70 000 habitants pour les 3ème et 4ème arrondissements, chiffre qui passe à 300 000 dans la journée ! Nous sommes habitués à avoir un flux de visiteurs conséquent avec le Centre Pompidou, l'un des musées les plus fréquentés du monde, deuxième lieu dédié à l'art contemporain le plus visité après le MOMA de New York. La réouverture du Musée Picasso a accru encore plus la fréquentation du Marais, mais comment s'en étonner ?  Nous sommes dans un quartier historique avec des hôtels particuliers extraordinaires comme l'hôtel de Beauvais, aujourd'hui Tribunal Administratif où Mozart a joué lorsqu'il était en résidence ! Il se dit que Louis XIV y a perdu son pucelage avec Cateau la Borgnesse, surnom de Catherine Belier, première femme de chambre de la reine.

Nous l'interrogeons sur les projets culturels qui lui tiennent à cœur pour le quartier.
Entre la Maison Européenne de la Photographie, la Cité Internationale des Arts, l'hôtel de Lauzun qui accueille des chercheurs internationaux en sciences humaines et sociales, la maison de Victor Hugo, le Théâtre de la Ville,  le Centre Pompidou, la bibliothèque Arthur Rimbaud au sein de la mairie, etc., ce quartier est particulièrement riche au niveau culturel. S'est imposé à lui l'idée d'une maison commune dotée d'un centre culturel vivant. Ainsi, sont en résidence à la mairie du 4ème arrondissement plusieurs formations musicales, le cœur de Notre Dame de Paris, l'Orchestre Lamoureux, la Compagnie Sans Père. La Mairie met à disposition la salle des fêtes pour les répétitions, en contrepartie, les habitants, les élèves ou voisins peuvent assister aux répétitions à certaines heures. La Mairie loue des salles à de jeunes créateurs de mode pour les défilés à des sommes modiques pour défiler au cœur de Paris. Une salle du Rez-de-chaussée a été transformée en salle d'exposition et accueillera bientôt les sculptures des « Folles » de Mâkhi Xenakis.  Il a même fait installer un joli petit verger dans la cour où toutes les générations se retrouvent : les élèves des lycées Sophie Germain et Charlemagne y côtoient les mamies du quartier qui viennent lire tranquillement sous les arbres. Le verger est ouvert à tous, les SDF viennent aussi car ils savent qu'ils seront bien accueillis et respectés en Mairie, on leur offre du café et de l'eau et ils peuvent utiliser les toilettes. Christophe Girard espère ainsi créer une certaine solidarité avec les habitants. Il a fait installer des bancs publics sur la place de la mairie car les nombreux visiteurs ont besoin d'y faire des pauses. Son souhait est de faire de la mairie une sorte de Civic Center à l'américaine dont les habitants et visiteurs s'approprient le lieu.

Après la culture, nous l'interrogeons à propos des nombreuses boutiques de luxe récemment installées, notamment en haut de la rue des Archives, qui agacent les riverains, Christophe Girard nous répond avec clarté et franchise car c'est un sujet qui le préoccupe :

Christophe Girard :
Comment faire dans une économie de marché lorsqu'un commerçant décide de vendre son commerce pour toutes sortes de raisons ? Agora, l'ancienne maison de la presse a vendu pour 1,5 million d'euros le fonds de commerce à une marque de vêtements, sans prévenir la Mairie de cette transaction. Il existe un dispositif, la Société d'Économie Mixte de l'Est Parisien, la Semaest,  chargée de maintenir la diversité dans les quartiers. Elle n'a pas le 4ème  arrondissement dans son champ géographique. Je réclame que le champ de la Semaest s'élargisse au 4ème arrondissement. J'essaye d'être vigilant, lorsque les librairies Mona Lisait ont fait faillite, je suis allé chercher le libraire du 104, Le Merle Moqueur, pour l'avertir de ce départ et voir si nous pouvions envisager quelque chose. Il a racheté la librairie, conservé le personnel tout en modernisant l'espace et aujourd'hui cela fonctionne très bien. C'est parce que je le connaissais personnellement que je me suis mobilisé, les reproches sur les boutiques de luxe sont un peu injustes. La Mairie ne peut malheureusement pas dépenser un million pour racheter un commerce lorsqu'il est à vendre. À mon sens le marché va s'autoréguler, comme le Forum des Halles  en son temps. Lorsqu'il a ouvert au début des années 80, les grandes enseignes de luxe étaient présentes puis petit à petit elles ont cédé leur place car les habitants du quartier ne s'y rendaient pas.

Christophe Girard veut favoriser l'implantation de jardins partagés, de salles de sport, de petits commerces, de marchés. Il a en tête plusieurs projets assez fous : un grand marché flottant ainsi qu'un potager flottant sur la Seine, rendus possibles avec la fermeture des voies sur berges. L'implication des habitants lui semble essentielle, car l'époque de la réalisation de projets pharaoniques est terminée. Il ne dispose pas de beaucoup de moyens en tant que maire mais il a un lieu, la mairie qu'il souhaite ouvrir et faire vivre au maximum.
Pour terminer, nous lui demandons quels sont ses trois lieux préférés dans le Marais.
Son coup de cœur va au jardin des Rosiers dont il est particulièrement heureux d'avoir pu mener à bien l'ouverture avec les différentes équipes de la Mairie. Fier également d'avoir désenclavé l'église Saint Gervais dont on ne pouvait faire le tour à l'extérieur pour admirer le remarquable chevet, la rue étant fermée par des grilles depuis une vingtaine d'années afin d'y entreposer voitures et poubelles ! Enfin il y a le verger au sein de la mairie résumant à lui seul tout ce que Christophe Girard veut pour le quartier : un endroit de nature et de repos où les habitants et les visiteurs peuvent se retrouver au calme sous un peu de verdure, un lieu de vie, ouvert et généreux.